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Gérard Fromanger - Au printemps ou la vie à l'endroit - 1972 | Peintre, Rétrospective, Art contemporain
MG - Le motif qui traverse toute votre œuvre est celui du passant. Quel sens faut-il lui prêter? GF – Oui, le motif du passant traverse tout mon œuvre, encore une constante. Les passants dans les rues des villes. Je sors de chez moi, où je connais beaucoup de choses, pour entrer dans la rue où tout est mystérieux et mouvant. L'extrême banalité du passant est l'« horizon d'attente » le plus puissant. Ici l'image vide du spectacle peut se remplir de toutes les couleurs de la vie. MG - Êtes-vous un peintre pop? GF - Si la question est « êtes-vous pop? » comme on disait « êtes-vous cubiste, surréaliste ou dadaïste? », ma réponse est négative. En France, seuls quelques artistes passés par Londres ou New York entre 1958 et 1965 peuvent revendiquer cette appartenance. Je n'en suis pas. En revanche, je me situe volontiers dans cette mouvance culturelle mondialisée qui se sentit en rupture avec le monde esthétique et idéologique d'avant les années 1960. "Existe", 1976 de Gérard Fromanger © Photo Éric Simon "Bouge", 1976 de Gérard Fromanger © Photo Éric Simon "En Chine, à Hu-Xian", 1974 de Gérard Fromanger © Photo Éric Simon Gérard Fromanger naît en 1939 à Pontchartrain dans les Yvelines.
Gérard Fromanger fait partie de cette école ou de ce mouvement de la « figuration narrative » auquel Michel Foucault s'intéressa voici plus de trente ans. Ami du peintre depuis le début des années 1970, il écrivit La Peinture photogénique pour le catalogue de l'exposition Le désir est partout publié en 1975, que lui consacra la galerie Jeanne Bucher. Le peintre et le philosophe se sont rencontrés au début de la décennie lors d'actions politiques. Dans son étude, Foucault fait référence à ces photographes de la fin du XIXe siècle, qui s'appropriaient des thèmes picturaux, mêlant les médiums et les registres en toute liberté. « C'est ce lien très spécifique entre le rapport immédiat à l'image et la destruction de ce rapport, à travers la destruction de l'imitation, que se situe une importante partie de l'art de Fromanger. » Par ces « images androgynes », il évoque les relations entre photographie et peinture chez les artistes hyperréalistes, en particulier Gérard Fromanger. Il écrivait ceci: « Ce qu'ils ont produit au terme de leur travail, ce n'est pas un tableau construit à partir d'une photographie, ni une photographie maquillée en tableau, mais une image saisie dans la trajectoire qui la mène de la photographie au tableau ».
Ces sculptures, détruites par les forces de l'ordre, lui vaudront d'être arrêté avec ses complices, le cinéaste Jean-Luc Godard et le photographe Pierre Clémenti. La couleur rouge sert ainsi de base au vocabulaire du peintre. Elle dénote l'alarme et la révolte d'une génération en quête de nouveaux modèles idéologiques, et propose une vision socialiste du monde (en l'occurrence ici, voir le monde en rouge à travers des bulles colorées installées un peu partout dans la capitale). Dans Album Le Rouge, Gérard Fromanger reproduit des scènes d'émeutes et de barricades, dans lesquelles les manifestants forment une immense marée rouge. Le choix d'un tel aplat de couleur ne fait que renforcer la vigueur, la puissance et l'unité qui se dégage de la mobilisation sociale. Pour paraphraser Chris Marker, on pourrait dire que le fond de l'air est bel et bien rouge… Sauf que l'émergence d'une société rejetant le conservatisme, le capitalisme, le consumérisme ou l'impérialisme ne va pas de soi. Pour preuve, le Souffle de Mai de Gérard Fromanger est mis en regard avec des peintures plus tardives, datant des années 2000, où le peuple, loin d'avoir pris le pouvoir, apparaît désormais comme une masse anonyme noyée dans un monde «sens dessus dessous», pour reprendre le titre de cette série.
Il s'inscrit à l'Académie de la Grande Chaumière (entre 1957 et 1963), et fait un passage éclair à l'école des Beaux-Arts. Très vite, il est repéré par le sculpteur César, qui va l'encourager et lui prêter son atelier pendant deux ans. « Il a été très important dans ma vie. Comme Alberto Giacometti, que j'ai rencontré en 1964, dans des circonstances insolites. J'exposais pour la première fois au Salon de Mai et l'un de mes tableaux, un nu jugé trop gris, avait été accroché dans les toilettes du musée d'Art moderne… C'est là qu'il a découvert mon travail! », se souvient l'artiste. Séduit, Giacometti le met alors en contact avec le galeriste Aimé Maeght, qui lui propose un contrat. Exprimer le monde Être représenté par celui qui a défendu Léger, Matisse, Chagall, Miró… est certes honorifique pour un jeune artiste. Mais Fromanger, lui, a d'autres envies. Cette génération appartient au passé. Il veut apporter du sang neuf à la peinture et sa collaboration avec Maeght sera brève. Dès 1965, son Prince de Hombourg (un portrait de l'acteur Gérard Philipe démultiplié sur fond noir, dans une esthétique qui évoque le Pop Art) acte la rupture.