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L'Ivresse des Enfers est une saga de science-fiction constituée de quatre chapitres: Les Élus, Les Résistants, Les Autres et Les Héritiers. Chacun se présente sous la forme d'un roman court, de 200 pages environ, pouvant être lu d'une traite. Ce procédé permet de garder le lecteur en haleine. Il n'a pas à interrompre sa lecture et peut lire les chapitres de la saga comme s'il regardait un épisode de série télévisée. Ce premier volet de la saga, un huis-clos mené sans temps morts, ouvre aux lecteurs la porte des enfers.
Comme il en a l'habitude, Gaudé mêle un fantastique discret avec une réalité poignante. Toujours formidablement sensible dans sa description de l'Italie, l'écrivain français retrouve la beauté lyrique du Soleil des Scorta. Le lieu et l'époque ne sont pas exactement les mêmes, mais l'amour de l'auteur pour ce pays transparaît à chaque page. A partir de ce background, il construit des personnages superbes comme il en a le secret. Il est d'ailleurs étonnant que le père pourtant mis en avant plus précocement, devienne moins fascinant que la figure maternelle, cette fois-ci plus complexe, plus touchante. A nouveau, ce sont les rapports familiaux qui intéressent Laurent Gaudé. La relation entre un père et son fils, entre une mère et son enfant. Il y a dans La Porte des Enfers toute la douleur du deuil, de la perte. Comment accepter l'inacceptable, la mort d'un enfant…? A cette question, Laurent Gaudé tente de donner deux réponses: le refus violent de la mère, la tristesse insondable du père.
C'est dans la conscience de ses deuils personnels que Laurent Gaudé interroge ici la part de vie que nos morts nous volent, mais aussi la part de présent ou d'avenir que nous leur rendons par nos pensées. Ainsi peut s'entrouvrir la porte des Enfers et - comme le raconte dans ces pages le vieux Professeur pasolinien - s'accomplir le rêve de Frédéric II: descendre dans les abîmes, affronter la Mort sur son propre terrain. Mais dans l'histoire de Matteo, de Giuliana et de leur fils, dans la lente dérive ou la brutale disparition comme dans les expériences des autres personnages aux prises avec leurs enfers personnels, c'est aussi la force du lien (amical autant que familial) qui se confronte à la séparation, à la peine ou au ressentiment. Rythmé, puissant et captivant, le nouveau roman de Laurent Gaudé revisite le mythe d'Orphée pour opposer à la finitude humaine la foi des hommes en la possibilité d'arracher un être au néant.
Résumé 2002, dans un restaurant de Naples, Filippo Scalfaro accomplit sa vengeance: il poignarde au ventre un client puis, le couteau sur la gorge, il le force à l'accompagner dehors, le fait monter dans une voiture, prend la direction du cimetière. Parvenu là, il le traîne jusqu'à une tombe et lui en fait déchiffrer l'inscription. Puis il lui tranche les doigts des mains et le laisse là, saignant et gémissant. 1980, dans les rues encombrées de Naples, Matteo tire par la main son fils et se hâte vers l'école. A un carrefour, soudain éclate une fusillade. Matteo s'est jeté à terre, couchant contre lui son petit garçon. Quand il se relève, il est baigné du sang de l'enfant, atteint par une balle perdue. 2002, après un dernière visite à "tante Grace", prostituée et travesti qui l'a vu grandir, celui qui a accompli sa vengeance peut enfin quitter Naples et, roulant vers le Sud, partir à la recherche des siens, disparus depuis l'époque du grand tremblement de terre.... Lire la suite 1980: le deuil a édifié peu à peu un mur de silence entre Matteo et sa femme Giuliana.